Le storytelling ou communication narrative, comment ça marche ?

Storytelling, comment ça marche ?

Rédaction : Arno Maneuvrier

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Dans le précédent « conseil », nous faisions le point sur le storytelling, aussi appelé communication narrative. Un outil parfois porté aux nues, mais aussi souvent décrié. Et ce, paradoxalement, pour la même raison : son efficacité. Mais alors, comment fonctionne-t-elle, cette communication narrative ? Pourquoi le cerveau humain en est-il si friand ? Et en quoi est-elle une ressource précieuse, non seulement pour une agence de communication visuelle et sa clientèle, mais aussi pour un·e enseignant·e ou un·e responsable d’ASBL, par exemple ?

Nous sommes au nord du continent, il y a 20 000 ans. Sur une colline, en pleine toundra, quelque part entre les sites actuels de Bruxelles et Liège, c’est la fin de la journée. La cueillette et la chasse ont été fructueuses et les homo-sapiens sont volubiles, autour du feu. Des flammes rouges montent vers les étoiles en grésillant, tandis que la brise disperse des parfums de viande grillée. Lorsque les aboiements des chiens commencent à couvrir le brouhaha des voix humaines, il suffit de leur jeter quelques os pour que les animaux se taisent.

Le conteur va parler

Le vieil homme observe son public en souriant, avant de se râcler discrètement la gorge. C’est le signal qu’attendait toute l’assemblée : le conteur va parler ! Immédiatement, le silence se fait. Un silence épais, presque palpable, que l’orateur met à profit pour dévisager tranquillement chaque membre de l’assistance. Tout en frémissant d’impatience, celle-ci jubile par anticipation. Dans quelques secondes, elle mettra à profit une fonction relativement neuve de son cerveau. « Relativement », à l’échelle de l’évolution humaine, bien sûr. Car deux millions d’années se sont écoulées avant que la boîte crânienne de nos ancêtres primates n’atteigne le volume nécessaire pour accueillir ce développement spectaculaire.

Le cortex préfrontal : la réalité virtuelle avant l’heure

Si quelqu’un vous avait lu à voix haute les paragraphes qui précèdent, et si vous aviez choisi de fermer les yeux pendant la narration, sans doute auriez-vous utilisé, vous aussi, cette prodigieuse fonction de notre cerveau.

Vous auriez « vu » la scène, « senti » les parfums de viande boucanée ou « entendu » le brouhaha des conversations et les aboiements des chiens. En effet, notre cortex préfrontal, zone cérébrale associée à l’élaboration de processus cognitifs complexes, nous permet de simuler des expériences que nous ne vivons pas réellement. Un atout précieux pour notre espèce, car il nous offre la clé de problèmes insolubles aux yeux des autres mammifères. Par exemple : « La rivière est à sec et je risque de mourir de soif ; mais lorsque je me projette en train de grimper au sommet de cette montagne, alors j’ai la vision de la vallée qui s’étale sous mes yeux. Si j’effectue réellement ce trajet que j’ai imaginé, je pourrai probablement repérer un point d’eau ».

Distillateur d’émotions

Notre cerveau ne produit pas seulement des films en couleurs. Il les pare de technologies auxquelles les cinéastes d’aujourd’hui n’osent pas rêver. En écoutant un·e comédien·ne de talent vous narrer la scène du conteur préhistorique, vous auriez vraisemblablement éprouvé la qualité du silence ; vous auriez frémi pendant son raclement de gorge. Et, vous sentant appartenir à cette communauté de fiction, vous auriez guetté avec elle le début du récit.

Car le cortex préfrontal ne fait pas les choses à moitié : lorsque nous écoutons une histoire, il ne se contente pas de fabriquer des sensations. Il distille aussi en nous des émotions. Le suspense (ou simplement le désir de découvrir la suite de l’histoire) augmente notre production de dopamine, et ainsi nos capacités de mémorisation et de concentration. L’humour, les rebondissements ou l’action joyeuse nous font sécréter davantage d’endorphines, et donc accroître notre attention et notre bien-être. Enfin (et surtout !), les personnages du récit prennent corps dans nos ressentis. Nous produisons alors de l’ocytocine, cette hormone du lien à autrui qui augmente notre empathie. Autrement dit, notre capacité à nous identifier à l’autre, à éprouver ce qu’il ou elle éprouve.

Storytelling et éthique

Les agences de communication et leurs services de copywriting ne sont pas les seules à s’intéresser de près à la communication narrative.

Professeur émérite d’éthique et de langage à l’université de Leeds, en Grande-Bretagne, Gavin Fairbairn a publié en 2004 une longue étude sur le lien entre la communication narrative et l’empathie.

À propos de cette dernière, il écrit : « dans la mesure où l’empathie implique l’usage de l’imagination, nous pouvons même être empathiques avec des personnes vivant des situations que nous ne connaîtrons probablement jamais. Par exemple, quoi que puissent en dire ceux qui nient cette possibilité et bien qu’étant un homme, je peux ressentir de l’empathie pour une femme qui fait face à une grossesse non désirée. Et ce, quel que soit mon avis sur la décision qu’elle prendra à ce sujet. » Un peu plus loin, il ajoute : « Et si j’y travaille suffisamment, je pourrais même avoir de l’empathie pour quelqu’un dont les opinions en matière de morale et de politique seraient si éloignées des miennes que je serais par ailleurs prêt à tout sacrifier pour l’empêcher d’atteindre ses buts. »

Contourner les biais cognitifs qui nous ferment au dialogue

Depuis les années 1970, la psychologie a entrepris de décrire les biais cognitifs qui nous verrouillent aux opinions d’autrui lorsqu’elles sont différentes des nôtres. Ainsi, le biais de confirmation, qui consiste à privilégier les informations ou souvenirs qui confortent nos croyances, et à ignorer ceux qui les contredisent. Ou encore le biais d’ancrage mental, qui nous invite à nous accrocher fermement à nos convictions initiales. Associés au biais d’autocomplaisance ou à l’effet Dunning-Kruger (qui nous portent à nous croire bien plus compétent·e·s que nous ne le sommes en réalité), ces fonctionnements irrationnels interdisent a priori le véritable échange d’idées.

Car comment convaincre des contradicteurs·trices que la cause qu’on défend est juste, lorsqu’ils ou elles sont aussi fortement persuadé·e·s du contraire ? Les chiffres, les faits et les preuves scientifiques n’ont pas plus d’effet sur leur pensée qu’un jet de plumes sur un bouclier en acier. Le plus souvent réduits à des affrontements, les débats ouvrent la voie aux invectives, rarement à la réflexion. En revanche, en suscitant l’empathie, en invitant notre interlocuteur·trice à se mettre à notre place (ou à celle du groupe de personnes que nous représentons), nous pouvons l’inviter à réviser son jugement. Sans prêter le flanc aux clivages, mais en proposant au contraire un véritable échange de points de vue.

Tragédie ou statistique ?

On prête à Staline une citation bien connue : « La mort d’un homme est une tragédie. Celle d’un million d’hommes est une statistique ». Qu’elle soit authentique ou non, elle illustre parfaitement les enjeux du storytelling : ce ne sont ni les chiffres, ni les faits, qui font trembler les cyniques. Ce sont les histoires humaines. Si vous ou votre organisation œuvrez pour les droits d’une population donnée à Bruxelles, à Liège ou ailleurs ; si vous avez besoin de susciter des dons ou de rallier des volontaires, ou encore si vous souhaitez convaincre le plus grand nombre que votre action est juste, n’accumulez pas les statistiques. Confiez plutôt à une agence ou à un service de copywriting le soin de mettre vos idées en récit. De quelle manière, précisément ? Ce sera l’objet de notre prochain « conseil ».

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Sources

Fairbairn, Gavin, professeur émérite d’éthique et de langage à l’Université de Leeds (UK), «Storytelling, ethics and empathy’», Ethical Space: The International Journal of Communication Ethics, vol 2, No 3, 2005, https://www.researchgate.net/publication/270893393_Storytelling_ethics_and_empathy’

Quelques biais cognitifs : https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_cognitif

Storytelling et émotions : Phillips, David JP, « The magical science of storytelling », conférence TedX donnée à Stockholm (Suède) en avril 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=Nj-hdQMa3uA