Et si l’on choisissait une charte graphique éco-responsable ?
Rédaction : Arno Maneuvrier
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Nous l’expliquions, l’éco-conception consiste à « intégrer l’environnement dès la conception d’un produit ou d’un service ». Une démarche éco-responsable serait donc de penser à l’environnement avant même de définir la charte graphique d’une organisation.
Charte graphique ?
La charte graphique, ce sont les dix (ou cent !) commandements de la communication visuelle d’une organisation. C’est elle qui définit non seulement le logo, mais aussi tous les usages associés : couleurs, typographies, pictogrammes, mises en page, signatures de mails, etc.
Elle permet d’imposer une « patte », une signature visuelle immédiatement identifiable.
— Mais concrètement, chère agence Deligraph, c’est une sorte de cahier de spécifications techniques ?
— Oui, cher·ère lecteur·trice ! C’est appréciable de constater que vous suivez.
— Et vous vous apprêtez à nous expliquer comment rendre un cahier éco-responsable ? Dites, vous ne seriez pas un peu tombés sur la tête ? Du papier recyclé, des encres végétales, le tour est joué !
Évitons de jeter l’encre
Certes, on peut s’intéresser à la forme de notre charte graphique : un fichier au format PDF, ou mieux, un document interactif et cliquable sera plus vertueux qu’un épais livre relié. Mais c’est sur le fond qu’une réflexion pertinente sera encore plus utile.
— Vous suggérez qu’une palette de couleurs ou la forme d’un logo peuvent impacter l’environnement ? Deligraph, ne seriez-vous pas tombés sur la tête ?
— Parlons de votre courrier papier. Imaginons que vous soyez une ASBL dont la charte graphique exige de placer les coordonnées sur un aplat d’un peu plus de 3 centimètres de haut sur 21 cm de large. Vous y êtes ?
— Euh… Oui, je visualise. Continuez…
— Bien. Hier, vous avez écrit une lettre d’une page pour accompagner un document administratif destiné à votre autorité de tutelle.
Mais tout à votre enthousiasme de posséder une nouvelle charte graphique, vous modifiez votre courrier pour l’imprimer avec cet entête :
— Oui, eh bien ?
— Eh bien vous venez de doubler votre consommation d’encre !
— Pour une bande colorée de 3 cm de hauteur ? Vous délirez, Deligraph !
— Vérifiez vous-même : on estime qu’imprimer une page de texte classique revient à encrer 10 % de la page. Si le bandeau de couleur en recouvre également 10 %, alors vous avez multiplié votre dépense d’encre par deux !
La parabole du train français
Vous préférez un exemple plus spectaculaire ? Nos voisins français effectuent chaque année 116 millions de trajets en train (hors déplacements domicile-travail). Ils sont invités à acheter leur billet sur le site web de l’opérateur, la SNCF. Or, ce billet comporte un bandeau publicitaire occupant plus de 15 % de la page A4.
— Allons-nous reprocher à une société ferroviaire de communiquer sur son offre de services ?
— Pas du tout. Mais tout choix a des conséquences dont on peut mesurer le coût environnemental. Reportons-nous à l’époque où nous n’avions pas de smartphone. Et imaginons que chaque client de la SNCF doive imprimer son billet.
— Ce serait terrible pour les arbres !
— Si les voyageurs n’utilisent pas de papier recyclé, cela impliquerait de ravir environ 13 647 arbres à l’affection de leur forêt natale, oui. Mais concentrons-nous sur l’encre. Partons du principe que tous les possesseurs de billets utilisent des cartouches standards de 8 ml. Chaque cartouche devrait permettre l’impression de 250 billets de train. Mais avec cette publicité en couleurs, le rendement chute à 62,5 billets.
— Conclusion ?
— Dans l’hypothèse où les voyageurs impriment 116 millions de billet par an, ce seul bandeau de couleur entraîne une surconsommation annuelle de 1 392 000 cartouches, soit 111 360 litres d’encre contenant des solvants, environ 140 000 kilos de plastique et près d’un demi-million de litres de pétrole pour leur fabrication ! Reconnaissez que 15 % d’encre en plus ou en moins ont un impact significatif !
— Heureusement, nos voisins ont des smartphones !
S’il te plaît, dessine-moi une charte graphique éco-responsable
— Mais Deligraph, vous qui êtes à la fois une agence web et un studio graphique, vous allez pouvoir nous indiquer les règles pour faire des chartes graphiques éco-responsables !
— Sauf qu’il n’y a pas de recette miracle ! Tout est question de réflexion préalable, et surtout d’adéquation avec vos valeurs, vos activités, vos besoins de communication…
Palette chromatique et encre
Commençons par la palette chromatique : vos couleurs sont-elles convertibles à la fois en RVB (pour vos supports digitaux, vos imprimés en petit tirage, vos roll-ups et autres kakemonos…) et en quadrichromie (pour vos affiches et vos imprimés en grand tirage) ? Avez-vous réellement besoin de cette encre supplémentaire dorée, non végétale et contenant du métal ? Les aplats de couleur, dévoreurs d’encre et plus malaisés à imprimer sur certains papiers recyclés, sont-ils indispensables ?
Impression et plastique
Le pelliculage plastique de vos brochures est-il une nécessité ? Si vous avez prévu de produire régulièrement des documents en PDF, les polices de caractères sont-elles adaptées à la lecture sur écran, afin d’éviter les tirages papier intempestifs ? Vous aurez besoin de sérigraphie textile ? Avez-vous songé à faire établir une version monochrome de votre logo ? Cela permettrait de ne pas multiplier les encres de sérigraphie, dont les solvants sont toxiques pour l’environnement, comme pour les travailleurs qui les manipulent…
— Vous avez formulé plus haut l’hypothèse que j’étais une ASBL. Dans ce cas, pas de sérigraphie textile en ce qui me concerne ! En revanche, j’ai besoin d’un beau rapport d’activité annuel pour l’adresser à mes pouvoirs subsidiants !
— Alors vous pourriez juger profitable de disposer d’un template numérique réutilisable chaque année, pour ce type de production. Ce pourrait être un site web : interactif, pratique à consulter pour vos lecteurs, et sans production de déchets !
— J’ai compris : à chaque organisation sa propre charte graphique éco-responsable sur mesure.
— Voilà.
— Et le mieux en ce qui me concerne, c’est que je vous rende visite dans vos bureaux de Liège ou de Bruxelles pour discuter de mes valeurs, mes besoins, mes contraintes, etc.
— Cher·ère lecteur·trice, nous vous laissons la responsabilité de cette pertinente conclusion !